Résumé : Les grandes étapes
- Avant les "indo-européens" [avant l'an -800] - Cohabitation de langues diverses avant l'arrivée des gaulois
- Le temps des Gaulois [-800 à +500] - Le latin devient progressivement la langue de la Gaule après la conquête de la Gaule par Jules César
- Le temps des "Barbares" [2è au 6è siècle] - Influence des Francs (envahisseurs germaniques) sur le latin
- Le temps des chrétiens [2è au 9è siècle] - Diffusion du christianisme et naissance de l'ancien français. Charlemagne restaure l'enseignement du latin
- L'intermède Viking [9è-10è siècle] - L'installation des normands entraîne peu de changements dans la langue
- Le temps des dialectes [5è-12è siècle] - La vie féodale favorise la fragmentation dialectale
- L'affirmation du français [12è-16è siècle] - Ordonnance de Villers-Cotterêts par François 1er = diffusion du français
- Le temps du "bon usage" [17è-18è siècle] - Codification de la langue par les grammairiens; prestige du français à l'étranger
- Le temps de l'école [19è-20è siècle] - Nécessité d'abolir les patois
- Le temps des médias [20è siècle] - Action uniformatrice des médias
(Henriette Walter, Le français dans tous les sens, 1988)
1- Avant les "indo-européens" [avant l'an -800]
Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur les premiers habitants de ce qui va devenir la Gaule; nous ne connaissons que quelques noms de peuples comme les Aquitains (dont les descendants parleront le basque), les Ibères ou les Ligures et seuls quelques mots subsistent dans le vocabulaire d'aujourd'hui.
A partir du 1er millénaire avant JC, des tribus Celtes (venant de la Germanie) franchissent le Rhin et créent la Gaule. Leur langue est "les gaulois" (famille des langues indo-européennes). En effet, cette langue n'est pas unifiée et chaque territoire possède sa propre langue plus ou moins compréhensible par un autre territoire.
Au milieu du 1er siècle avant JC, la Gaule est conquise par les romains qui apporteront leur langue : le latin. Mais ce latin n'est pas le latin classique des auteurs mais le latin vulgaire de la population et c'est ce latin qui sera à l'origine de toutes les langues romanes.
"Les langues gauloises" ont peu marqué le français et seuls quelques dizaines de termes (ruraux en général) subsistent (charrue, chêne, glaner, chemin, barque, roche, char etc.).
En -120, les Romains ont fondé la Gaule transalpine (câd au-delà des Alpes vue de Rome) par opposition à la Gaule cisalpine (Italie du Nord) et on appelé cette nouvelle province Provincia qui donnera plus tard à la région son nom de Provence. Entre -58 et -51 César conquit le nord de la Gaule et réorganisa l'ensemble de la Gaule transalpine en 4 grandes régions : La Narbonnaise (ex Provincia), L'Aquitaine (à l'ouest), la Lyonnaise et la Belgique.
A la fin des invasions, la Gaule est divisée en trois grandes zones linguistiques :
http://bbouillon.free.fr/univ/hl/Fichiers/Cartes/dialect.htm
Cette imprégnation de la langue mettra plus de 4 siècles à s'imposer et entre-temps d'autres envahisseurs germaniques tels que les Francs (dont le domaine va s'étendre à tout le nord de la France hors Bretagne au 5è siècle) vont aussi s'approprier ce latin en le transformant. Les Wisigoths se domicilient au sud (de la Loire à la Durance) et les Burgondes dans la région de l'actuelle Savoie puis s'étirent sur tout Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté. Et un beau jour, dans diverses régions de France, les gens se sont réveillés en parlant picard, normand, poitevin et non plus latin. En fait ils parlaient tous la lingua romana rustica, langue mêlant le latin à diverses langues germaniques telles que le wisigoth, le burgonde etc. Ce sont les francs (roi le plus connu = Clovis) qui marqueront le plus le paysage linguistique en imposant le parler francien (lingua romana rustica parlée en Île de France) comme ancêtre du français.
Même si de nombreux dialectes étaient présents sur le territoire, trois grandes zones linguistiques cohabitaient : les langues d'oïl au Nord, les langues d'oc au Sud et le franco-provençal en Franche-Comté, Savoie, et Val-d'Aoste.
2- Installation du français sur le territoire
- Concile de Tours (813) : autorise le clergé à prêcher en langue "courante" à la place du latin; il marque une étape importante dans le christiannisme de l'occident. C'est la première décision politique sur l'usage des langues. Les langues courantes concernées sont les langues romanes rustiques (parlers issus du latin) et les langues tudesques (issus des parlers germaniques).
- 842 : Serments de Strasbourg : premier texte attesté en langue romane.
- 914 : Le françoys est la langue véhiculaire des couches supérieures de la société de Paris et de sa région; les écrivains cessent d'utiliser le picard, le normand etc. pour le françoys. Le roi lui-même parle le francique (langue germanique) et les lettrés continuent d'utiliser le latin pour écrire et parler.
- 987 : Hugues Capet est le premier roi qui ne parle que français (langue vernaculaire romane).
- 1066 : Victoire de Guillaume le Bastard à Hasting : la langue française s'impose à la cour d'Angleterre comme langue officielle pour les tribunaux, l'aristocratie et le parlement et ce jusqu'au 15è siècle.
- 1119 : Louis VI (règne de 108 à 1137) se proclame dans une lettre au pape Calixte II "roi de France" et non pas roi des Francs; c'est la première allusion au terme de France.
- 1180 : avènement de Philippe Auguste, le domaine royal s'est fortement agrandi autour de Paris. L'aristocratie, les clercs, les juristes, la bourgeoisie se mettent à utiliser le français.
- 1226-1270 : Sous le règne de Saint Louis (Louis IX), l'unification linguistique gagne du terrain et s'étend au sud du pays grâce aux victoires militaires. On appelle désormais cette langue le français. Le latin garde ses lettres de noblesse et à la Sorbonne, gardienne de la tradition depuis sa fondation en 1227, l'enseignement se fait en latin et les thèses sont soutenues en latin et ce jusqu'à la fin du .... 19è siècle.
- 1530 : François 1er crée le Collège des Trois Langues (deviendra le Collège Royal puis le Collège de France) dans lequel un petit nombre de professeurs vont enseigner en français pour donner un enseignement de haut niveau. Petit à petit le français remplace le latin dans les documents administratifs.
- Ordonnance de Villers-Cotterêt (1539) : François 1er prescrit l'emploi du français dans tout le royaumme en lieu et place du latin. Le français devra aussi être utilisé dans les ordonnances et jugements des tribunaux. Cette ordonnance donne au dialecte francien un vrai statut de langue officielle pour l'ensemble du royaumme. Le français devient la langue véhiculaire face aux différents parlers vernaculaires.
- Le latin perdure car considéré par les puristes (écrivains et poètes) comme une langue noble face au dialecte francien jugé vulgaire et va devenir la langue de la littérature et de la poésie.
- La première enquête sociolinguistique de l'abbé Grégoire, évêque de Blois (1790) - La Convention souhaite unifier la langue au sein du territoire et se débarrasser des langues locales qui rappellent trop l'ancien régime; pour cela elle mandate l'abbé Grégoire qui, à l'aide d'un questionnaire de 43 questions, doit dresser le paysage linguistique français. Le constat est que, sur les 25 millions de français, 12% parlent convenablement français et moins d'un sur quatre le comprend. La réaction est d'ouvrir une école dans chaque commune pour enseigner en français. En même temps il y a création des écoles normales (se référant au français de la norme) pour former les instituteurs (= les hussards noirs de la république). Cet acharnement contre les patois et dialectes vient du fait que pour les révolutionnaires l'unité du pays passe par l'unité linguistique.
- Il faudra attendre les lois Ferry de 1880-1882 sur l'enseignement laïque obligatoire pour atteindre un objectif (tout relatif) d'unité linguistique; en effet, à cette époque, moins de 20% de la population parle français. C'est donc par le biais de l'école de Jules Ferry que l'oeuvre d'unification linguistique entreprise au lendemain de la révolution va s'implanter durablement. Il aura donc fallu près de 8 siècles au dialecte francien des rois capétiens de Paris au XIè siècle pour s'imposer comme langue nationale unique.
Les mots issus de ...